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Compte-rendu du petit-déjeuner du Club Delville avec Frank Dangeard le jeudi 13 septembre 2013

Posté par : Celine Elgoyhen
Catégorie : News du Club

Après l’économiste Jean-Paul Betbèze, c’est Frank Dangeard qui était invité à « plancher » devant les membres du Club Delville, quelques jours après la rentrée.

Frank Dangeard, administrateur et président de conseils d’administration, est intervenu au petit déjeuner du Club Delville sur le thème : « Crise et gouvernance d’entreprises« .

Même si des signes de reprise commencent à poindre aux Etats-Unis et dans la zone euro, la crise demeure l’horizon incontournable des économies mondiales depuis 2008 et la chute de la banque Lehman Brothers. Cette crise, que les économistes ont présentée comme la plus grave depuis 1929, succède à d’autres crises (éclatement de la bulle internet, crises asiatiques, etc.) qui ponctuent ou illustrent les soubresauts de l’économie.
Fort logiquement, les entreprises sont confrontées, elles aussi, chaque jour, à ces phénomènes de transition, d’adaptation à un environnement économique de plus en plus incertain. Ancien banquier d’affaires, Frank Dangeard a été directeur général adjoint de France Télécom et PDG de Thomson. Aujourd’hui président de conseils d’administration et administrateur de groupes en Europe, en Asie, et aux Etats-Unis, ce diplômé d’HEC, de Sciences Po Paris et de la Harvard Law School était l’invité du petit déjeuner de rentrée du Club Delville. En 2010, cloué au lit durant l’été, il éprouve le désir de raconter 12 histoires – réelles – de gouvernance d’entreprise avec, comme clé d’entrée, la «décision de crise », dont il tire un ouvrage (1). Comment British Télécom (aujourd’hui un acteur mineur dans l’univers des télécoms) et France Télécom (devenu Orange et, à l’inverse un acteur de poids du secteur) ont-ils géré la sortie de leurs crises de liquidité respectives ? Quelles décisions stratégiques ont-elles été prises ou, au contraire, négligées pour éviter une descente aux enfers, et surtout pourquoi les conseils ont-ils décidé dans un sens plutôt que dans un autre ? S’appuyant sur des comparaisons (ex : Alcatel-Lucent vs Cisco ; Royal Bank of Scotland vs Barclays ; Symantec vs Thomson Multimédia), chaque fois à l’occasion de crises majeures, ainsi que sur de multiples autres exemples tirés de l’actualité économique de la dernière décennie (EDF, ABN – AMRO, Enron, Hewlett Packard, etc.), Frank Dangeard recense ce qui fait que, de par leur composition, leur fonctionnement ou encore la conception qu’ils ont de leur rôle, les conseils sous pression prennent de bonnes ou de mauvaises décisions.

Frank Dangeard illustre son propos à partir de 4 grands types de crise: crises de liquidité (ex : British Telécom/France Telecom), attaques d’activistes (ex : Symantec/Thomson), stratégie d’acquisition défaillante (ex : Alcatel/Cisco) et une mauvaise appréciation du risque bancaire (ABN-Amro/RBS/Barclays)
Il rappelle que, lorsqu’une entreprise éprouve des difficultés, notamment en termes de liquidités mais aussi dans d’autres cas de crises, la tentation courante consiste – suggestion classique des marchés financiers – à « découper » l’entreprise en plusieurs entités pour refaire partir le moteur. Selon lui, cela ne marche quasiment jamais. La phase essentielle est celle de la préparation d’un plan stratégique, souvent la première communication importante de l’entreprise qui tente un redressement. Il importe d’intégrer le prisme des marchés financiers, celui de toutes les parties prenantes de l’entreprises (actionnaires, créanciers), être à l’écoute du management et des salariés, et mais aussi rapidement de mesurer le souhaitable et le possible. La réaction au plan stratégique est connue presque immédiatement. L’étape décisive qui suit est celle de l’enchainement des opérations financières qui permettent à l’entreprise de mettre en œuvre sa nouvelle stratégie de redressement.
Selon Frank Dangeard, dans le cadre de la gestion d’une crise, quelle qu’elle soit, l’attitude du conseil d’administration est essentielle pour dénouer la crise ou pour, au contraire l’accentuer. «Confronté à une crise de liquidité majeure, British Télécom, au début des années 2000, a révoqué son CEO et son Chairman, les deux seuls membres du Conseil d’Administration qui étaient familiers de l’univers des télécoms. Par la suite, sans stratégie claire, le conseil n’a fait qu’appliquer les suggestions des marchés financiers, sans tenter d’en analyser les implications et les conséquences. D’où les erreurs commises – et au total l’éclatement d’une belle entreprise », analyse-t-il.
Un conseil d’administration soucieux de la pérennité de l’entreprise dont il est «co-responsable » doit exercer pleinement son rôle d’instance possédant une « distance », un recul (contrairement au management qui est à la manœuvre) par rapport aux décisions opérationnelles et stratégiques à prendre, et par rapport aux différentes parties prenantes (actionnaires, salariés, créanciers, presse, etc.).
Malheureusement, « on voit bien souvent des conseils d’administration qui soutiennent des PDG quand tout va bien et à l’inverse, l’enfoncent, en cas de difficultés. Or, c’est l’attitude inverse qui serait pertinente. Autrement dit, challenger la direction de l’entreprise quand tout va bien et la soutenir en période de gros temps ».
Eric Delon

(1) «La décision de crise dans l’entreprise ; 12 histoires de gouvernance » (Odile Jacob, 2011)