Alors que le réchauffement climatique génère de plus en plus de sinistres à indemniser, le Club Les Échos Débats – Prospectives a reçu, le 5 décembre 2022, Michèle Lacroix, Directrice Développement Durable chez SCOR, Estelle Guyon Abinal, Secrétaire Générale AXA France et Sabine Castellan-Poquet, Directrice des Investissements à la MACIF pour évoquer la nécessaire adaptation des assureurs et réassureurs à ces nouveaux risques dont les coûts sont amenés à exploser. Maud d’Ambrières, directrice de mission chez Delville Management, cabinet de management de transition, livre son analyse de ces échanges.
Une explosion du coût des aléas climatiques
La Cop 27 qui vient de s’achever a mis en évidence une prise de conscience généralisée de l’urgence climatique, mais aussi la difficulté du passage à l’action, dès lors qu’intérêts économiques et politiques divergent. De fait, le réchauffement climatique s’accélère depuis 2010, alimenté par les émissions de gaz à effet de serre (GES), conduisant le GIEC à préconiser de réduire ces émissions de 43 % d’ici 2030.
Or, sur la seule année 2022, elles ont progressé de 1 % à l’échelle de la planète.
Les conséquences sont multiples :
Ces phénomènes climatiques plus fréquents trouvent une traduction immédiate dans le volume de dossiers de sinistre que traitent les assureurs IARD. Selon la Fédération Française des Assureurs, 1, 4 million de sinistres ont été enregistrés en France sur les huit premiers mois de 2022, pour un montant de 5, 2 milliards d’euros.
Selon certains scientifiques, l’augmentation de la fréquence, de la gravité et de l’imprévisibilité des aléas naturels pourrait conduire au doublement de leur coût tous les 30 ans.
Face à ces évolutions, les enjeux pour les assureurs portent sur :
Un risque climatique pris en compte par les assureurs
Les assureurs disent avoir pris la mesure du risque climatique. Axa a ainsi intégré dans son plan stratégique 2021-2023 un volet consacré au climat. Pour le réassureur SCOR, qui intervient au niveau mondial, c’est l’article 373 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a donné le coup d’envoi de sa politique d’investissements responsables. Comme assureur, il a pris conscience en 2017 de la répétition des anomalies climatiques et de leur impact en France. La MACIF a recensé plus de 150 000 dossiers liés au dérèglement climatique en 2022, soit le même nombre que les années 2020 et 2021 réunies. Ce constat est partagé par AXA qui a mis en place une organisation dédiée aux événements de grande ampleur. Déclenchée à plusieurs reprises en 2022, elle prévoit des mesures d’assistance et d’accompagnement des sinistrés, telles que le relogement, une indemnisation plus rapide, l’application d’une seule franchise quand plusieurs biens sont concernés…
Des investissements plus responsables
Les assureurs contribuent également à la lutte contre le dérèglement climatique en réorientant leurs investissements vers des secteurs d’activité ou des entreprises plus vertueux en matière de développement durable. Axa a commencé à exclure le charbon de ses investissements dès 2015 et n’investit plus dans le secteur. L’assureur s’est donné comme objectif de réalisé 26 milliards d’investissements verts d’ici 2023 (mobilités décarbonées, bâtiments HQE, parcs éoliens ou encore forêts). « En parallèle, nous souhaitons réduire de 20 % l’empreinte carbone de nos investissements d’ici 2025 », souligne Estelle Guyon Abinal. Même démarche à la MACIF qui a commencé, en 2016, à exclure les énergies fossiles de son champ d’investissement et s’intéresse, a contrario, aux investissements socialement responsables, en se fondant sur des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance). « Nous n’excluons toutefois pas un secteur dans sa totalité, nous préférons dialoguer avec les acteurs pour voir si leur trajectoire est conforme avec les objectifs de limiter le réchauffement climatique à 1, 5 ou 2 °. Par ailleurs, nous avons investi 10 milliards d’euros dans les entreprises qui ont un rôle à jouer dans la transition énergétique », précise Sabine Castellan-Poquet. « Nous avons lancé des politiques d’exclusion dès 2015 et n’avons plus d’investissement dans le charbon thermique. Nous n’investirons plus non plus dans le pétrole et le gaz, tant que les entreprises ne feront pas preuve d’une volonté de décarboner leurs activités, en s’appuyant sur des certifications mondiales », mentionne, pour sa part, Michèle Lacroix, qui souligne l’avance de l’Europe sur les Etats-Unis en matière de transition environnementale.
La soutenabilité du modèle en question
Les limites de l’assurabilité sont atteintes lorsque l’aléa, climatique ou autre, par sa récurrence, se transforme en certitude. En France, cette limite technique est effacée par le régime Cat Nat, mais cela revient à transférer à l’État et, donc, au contribuable le financement de l’indemnisation de ces sinistres. Dans les pays les plus vulnérables, en revanche, on assiste au développement d’un nouveau modèle d’assurance : celui de l’assurance paramétrique. Celle-ci déclenche la prise en charge d’un sinistre sur la base de critères prédéfinis, comme la force du vent ou la pression atmosphérique. Binaire, ce dispositif a l’avantage d’être beaucoup plus rapide. La meilleure façon pour les assureurs de préserver la soutenabilité de leur modèle
économique serait, pour finir, d’accélérer la transition environnementale.
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