Delville Management, acteur de référence du management de transition pure player, a reçu au Club Delville : Guillaume Richard, Président-Directeur Général du groupe OUI CARE, numéro 1 des services à domicile à la personne en France le 7 décembre dernier sur le thème :
Plus qu’en PDG, c’est avant tout en entrepreneur accompli que Guillaume Richard a accepté de retracer son parcours. Il le dit d’entrée : l’envie d’être entrepreneur lui est venue tôt – en lisant Le roi vert de Paul-Loup Sulitzer. Diplômé de l’EDHEC devenu contrôleur de gestion à la Française des Jeux en 1996, il sait qu’il créera bientôt son entreprise.
C’est chose faite dès 1999 : Guillaume Richard crée At Home avec deux associés. L’entreprise n’est alors qu’une plateforme en ligne de services à domicile, mais une alliance est rapidement formée avec Unipôles, société de services à domicile basée à Lille, et le groupe O2 naît. À peine constituée, l’entreprise voit toutefois sa croissance se compliquer : le temps d’organiser une levée de fonds, la bulle internet a déjà explosé. Jusque-là pourtant, trouver des financements était un jeu d’enfants : « on nous apprenait à faire des elevator pitch, à être capable en deux minutes de convaincre un investisseur de mettre des millions de francs dans un projet. Avant, il y avait tous les jours cinq, dix levées de fonds », sourit Guillaume Richard. Mais nous sommes en avril 2000 et les investissements se réduisent comme une peau de chagrin ; seule la qualité du projet demeure. Elle permet d’ailleurs à Richard et ses associés de remporter des concours de création d’entreprise, dont un de la fondation Vivendi, qui débouche sur la mise en place d’un pilote à Lille début 2001. Malgré une cure d’amaigrissement sévère, l’aventure continue donc.
Les trois années suivantes marquent une période de transition et de transformation stratégique fondamentale : de 80 services proposés dans une ou deux villes, l’entreprise passe à un ou deux services dans 80 villes. Le Groupe décide de se concentrer sur les métiers d’entretien et de garde d’enfants, mais surtout de réaliser les prestations en interne afin de mieux en maîtriser la qualité. Guillaume Richard quitte alors l’emploi salarié qu’il avait dû conserver pour se consacrer pleinement à son entreprise. « Ça peut paraître délirant, mais c’est vraiment le moment fondateur. On se dit : dans 30 ans, il faut qu’on soit leader mondial. Ça veut dire que dans 10 ans, il faut qu’on soit leader en France, et dans 20 ans en Europe. » Cette ambition sera la colonne vertébrale du Groupe et ne cessera plus d’éclairer sa croissance. « Dès qu’on a dit ça, on change tout : on va chercher de l’argent pour nourrir cette ambition, on va chercher des gens qui sont extrêmement bons pour nous accompagner, on pense long terme. Et ça change tout. » .
O2 se révèle ainsi prête à prendre la tête d’un groupe qui déploiera bientôt son modèle dans la France entière. Si l’entreprise a terminé l’année 2003 avec un chiffre d’affaires d’environ 30 000 euros, elle achèvera 2004 avec 200 000 euros enregistrés. « Le modèle tourne » enfin et peut être étendu à tout le pays. Deux ans plus tard, le groupe compte ainsi 28 agences et son chiffre d’affaires dépasse 5 millions d’euros. Entre janvier et août 2007, 63 agences supplémentaires ouvrent. La suite de la trajectoire est cohérente : l’activité garde d’enfants est développée en 2009 avec l’ouverture de 30 agences spécialisées dans ce domaine. En 2011 apparaissent ensuite des services de garde d’urgence et des services à destination des personnes âgées. Enfin, des acquisitions stratégiques sont effectuées : Apef services, numéro 5 du marché, est acheté en 2016 et l’année suivante, une alliance est formée avec Interdomicilio, groupe espagnol présent au Portugal et au Mexique. OUI CARE, la nouvelle entité, se tourne vers l’international.
Tenir la promesse de 2004 a toutefois nécessité des stratégies particulières dans deux domaines. D’un point de vue managérial d’abord, Guillaume Richard souligne qu’il a été impératif de surveiller constamment l’adéquation des talents des collaborateurs avec les compétences requises par leur poste. Passer de quelques grappes d’employés à plusieurs milliers a complètement transformé les façons de travailler au sein du Groupe. Parmi les managers eux-mêmes, certains n’ont plus trouvé de plaisir lorsque les équipes se sont agrandies. Il a alors fallu gérer les sorties sereinement.
Se poser la question du type de fonds auprès duquel s’endetter a été le deuxième aspect crucial. La plupart des fonds recherchent un partenariat pour 5 ans : après 2 ans d’investissement et 2 ans de rentabilisation, ils espèrent généralement sortir du partenariat en cinquième année. O2, lui, a choisi un family office, qui a accompagné sa croissance pendant 9 ans. « Il faut comprendre le mécanisme des fonds pour aller chercher celui qui est le plus adapté », résume Guillaume Richard.
Aujourd’hui, Guillaume Richard estime qu’il y a encore de la place pour faire grandir les services à la personne en France, où les entreprises ne représentent que 7% du marché. Pour OUI CARE, le principal défi n’est plus la croissance mais le maintien d’une valeur cardinale du Groupe : porter de l’attention à ses employés et à ses clients, « dans cet ordre ». En effet, Guillaume Richard veut avant tout « donner l’opportunité à chacun des collaborateurs de grandir, dans l’entreprise, professionnellement par le biais de la formation ». Résultat, 40% des postes sont pourvus via un processus de promotion interne. Premier créateur d’emplois en France entre 2008 et 2013, le groupe incarne une success story résolument humaine.