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Delville Management, cabinet spécialisé en management de transition, a interrogé Anna-Christina Chaves – Avocate spécialisée en droit social

Posté par : Capucine Vial
Catégorie : Actualités, Actualités

Delville Management, cabinet spécialisé en management de transition, a interrogé Anna-Christina Chavez, Avocate spécialisée en droit social : « La réforme est profonde mais les règles du jeu restent gouvernées par la qualité du dialogue social »

Anna-Christina Chaves, avocate spécialisée en droit social, dirige le département social du cabinet Stehlin & Associés. Après L’Abécédaire de la Loi Travail en 2016, elle publie cette année L’Abécédaire des ordonnances du 22 septembre 2017 : Little Big bang ? dans lequel elle décrypte les ordonnances Macron pour permettre à tous, TPE comme filiales de multinationales, de comprendre en quoi ces modifications du code du travail bouleversent le paysage social. Rencontre.

Quels grands enseignements tirez-vous des ordonnances Macron ?

J’en ai tiré le « théorème des 3M ». D’abord, la « modération du droit social » , qui couvre le plafonnement des indemnités prudhomales, le droit à l’erreur des PME, l’articulation des normes, etc. Elle est un signal très fort envoyé par le gouvernement aux investisseurs étrangers, pour les rassurer et les faire revenir en leur montrant que leur risque d’investir en France est mesuré.

Vient ensuite la « modernisation » ou la nécessité de s’adapter aux nouvelles formes de travail : code du travail numérique, contrats de chantier, prêt de main d’œuvre à des start-ups. Le grand élément de cette modernisation est la création du Comité social et économique. Le principe de cette instance unique était réclamé depuis longtemps par les experts et les entreprises. Jusque là, le temps des DRH se composait en effet de réunions avec différents interlocuteurs pour traiter des questions économiques, de sécurité, de rémunération. Avec un interlocuteur unique, l’objectif est de trouver plus facilement des compromis entre l’économiquement possible et le socialement souhaitable.

Enfin, le dernier « M » se rapporte à « Moins de licenciements éco, mais plus de restructuration ». Jusqu’à une époque récente, en droit social, restructuration signifiait licenciement économique. Malgré quelques tentatives, rien n’avait rencontré de succès franc parce qu’il était impossible de toucher aux collaborateurs dont le salaire est compris entre 100 et 120% du SMIC. A présent, il est possible de modifier des éléments essentiels du contrat de travail (le lieu, la rémunération, les fonctions) de manière collective. Les salariés qui refuseront seront, eux, licenciés non plus dans le cadre d’un licenciement économique – qui imposait la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi à partir de dix refus -, mais pour un motif sui generis. Bien sûr, pour que tout cela se fasse, encore faudra-t-il obtenir un accord majoritaire.

Selon vous, ces ordonnances entraînent-elles un vrai bouleversement du code du travail ?

Les outils proposés sont très innovants et manifestent une véritable écoute des experts du droit social. Les revendications des DRH et des avocats spécialisés, comme la création d’une instance unique, le plafonnement des indemnités prudhomales, etc., sont remontées. La réforme est plus profonde que celle engagée par El Khomri, mais les règles du jeu restent malgré tout gouvernées par la qualité du dialogue social. Prenons un exemple : les entreprises peuvent désormais maîtriser leur agenda social. Après accord majoritaire, elles pourront traiter les thèmes de négociation obligatoires dans l’ordre qu’elles souhaitent et ajouter ceux qui les concernent. Mais pour que cela fonctionne, une nouvelle culture doit se mettre en place, notamment chez les représentants du personnel. En clair, les mécanismes et les outils RH sont là, il faut se les approprier et innover dans l’entreprise pour entraîner la transformation sociale. Le risque, c’est de rester dans ses habitudes et sur ses acquis.

Quels impacts ces ordonnances risquent-elles d’avoir sur les directions des Ressources humaines des entreprises ?

Les DRH vont devoir être plus innovantes, plus créatives et plus inclusives. La RH ne doit plus être vue comme le bras armé des directions administratives et financières. Il y a l’opportunité pour les DRH de devenir actrices de la rentabilité des entreprises mais il va falloir que toutes les directions jouent ce jeu de l’ouverture et voient les RH comme un moyen positif d’anticiper et d’augmenter la rentabilité. C’est une vraie possibilité de transformer les choses, encore faut-il arriver à instaurer un dialogue social. Aujourd’hui, les représentants du personnel et syndicats sont déboussolés par le phénomène Macron. Il faut les ré-apprivoiser pour les inciter à transformer l’entreprise. La confiance est la pierre angulaire de tout système qui fonctionne et l’entreprise doit revenir à une vision plus confiante des ressources humaines. Les ordonnances prévoient justement des formations pour que les élus du personnel s’approprient les enjeux de l’entreprise et comprennent que ce n’est pas toujours dans le conflit qu’on crée de la richesse et la répartition de celle-ci.