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Petit déjeuner du Club avec Jean Peyrelevade

Posté par : admin
Catégorie : News du Club

En inauguration du dernier petit déjeuner de l’année 2011 du Club management de transition Delville, les managers de transition ont pu écouter l’intervention de Jean Peyrelevade. Ancien Président du Crédit Lyonnais de 1993 à 2003, Jean Peyrelevade a partagé ses dix années passées au redressement de l’entreprise avec les managers.

Compte-rendu de l’intervention de Jean Peyrelevade au petit déjeuner du Club Delville

Unique est l’expérience qu’a vécue Jean Peyrelevade. Être mis aux commandes d’une banque qui peut s’effondrer à tout instant est si rare, qu’il n’a jamais pu dupliquer ses dix années au sein du Crédit Lyonnais au profit de son activité de conseil comme CEO de Leonardo & Co. Pendant cette période, à la tête de cet organisme malade, Jean Peyrelevade a tenté, si difficile soit-il, de préserver son équilibre personnel. Pendant son intervention, il n’évoquera que rapidement les aspects techniques de ce redressement, mais se penchera plutôt sur les aspects humains, et les relations avec ses collaborateurs, ses concurrents et l’État.

Les cadres dirigeants devaient être conscients de leur responsabilité collective.

Les trois premières années de son mandat, les chiffres d’exploitation courante, jusqu’alors à l’équilibre, empiraient sans cesse. Une perte de 80Mds de Francs sur 3 ans, si banale semble-t-elle aujourd’hui, représentait alors une somme plus que conséquente. Et pendant 3 ans, malgré la politique de redressement engagée, les résultats sont toujours plus mauvais à mesure que les instruments de contrôle sont mis en place. En effet, Jean Peyrelevade fait complètement reconstruire l’examen de la prise de risque, passe des provisions et cherche à augmenter une trésorerie inexistante, fondamentaux disparus du fonctionnement d’une banque.

Jean Peyrelevade ne pouvait donc avoir que peu confiance en ces cadres dirigeants complaisants, qui se devaient d’être conscients de leur « responsabilité collective » dans le drame qu’ils avaient provoqué au sein de cette entreprise rendue folle. N’étant pas par nature un « coupeur de têtes », mais plutôt «le verbe du changement», il avait donc besoin d’eux pour répercuter ses directives sur le terrain auprès du personnel qu’il s’est refusé d’abandonner. C’est ce qui lui a permis de ne pas quitter le navire en pleine mer, comme beaucoup d’autres avant, d’assurer sa légitimité au sein de la banque de détail. Une fois par mois, seul, il rendait visite à une agence quelconque pour prendre le pouls de son entreprise. Il a également enregistré de lui-même une K7, expliquant les fondamentaux des comptes d’exploitation d’une banque, destinée à chacun des agents. Il souhaitait retrouver une relation clientèle digne de ce nom. Les banquiers devaient pouvoir véritablement expliquer une crise qu’ils ne comprenaient pas, mais cet effort de pédagogie s’est vu entravé par la réticence des cadres intermédiaires. Un clin d’oeil à la situation actuelle était alors de mise.

Il admettra également qu’un directeur financier faisant contrepoids avec ses idées était bien plus pertinent dans ce type de contexte, d’où également l’importance du management de transition…

Son goût pour la transparence l’amène à communiquer en personne sur l’état des comptes.

Le blocage semblait aussi se retrouver avec l’Etat, qui se sentait sans doute coupable d’avoir contribué à engendrer 100 Mds de Francs de perte. Mais Jean Peyrelevade, dans son goût pour la transparence, aime le contre-pouvoir et la discussion. Il s’excuse de se plaire aussi dans le conflit. Cela l’amène à communiquer de lui-même l’état catastrophique des comptes : « On vous avait prévenu que les chiffres seraient mauvais : ils le sont ». Mais aussi à avoir des relations tendues avec l’État qui souhaitait garder une main sur l’établissement et ne pas avoir à sa charge uniquement la «bad bank». La gestion des relations avec Bruxelles et le gouvernement fait partie de ses erreurs avouées.

Mais il en veut à l’Etat d’avoir mis aux enchères les 10% qu’il possédait dans le Crédit Lyonnais. Du jamais vu ! Suite à cette cession, la prise de participation de la BNP a ainsi précipité une fusion avec le Crédit Agricole programmée par l’État, pressé d’effacer le Crédit Lyonnais de la mémoire collective. Selon lui, la fusion avec la BNP aurait eu plus de sens. Il n’a pas réussi à empêcher celle avec le Crédit Agricole, mais a insisté pour que le Crédit Lyonnais reste maître du réseau à l’international, sa force d’alors, pendant que le Ministre des Finances avait promis les organes de direction au Crédit Agricole. Jean Peyrelevade n’est pas tendre non plus avec la Société Générale, qu’il a d’ailleurs attaquée pour concurrence déloyale.

La gestion de ses relations avec Bruxelles et le gouvernement français fait partie de ses erreurs avouées.

Dès le début, Jean Peyrelevade était convaincu qu’il échouerait dans cette lourde tâche de redressement, mais convaincu également que le Crédit Lyonnais ne disparaîtrait pas. En 1996, la remontée s’amorça. C’est symboliquement après l’incendie du siège que la valeur du Crédit Lyonnais est remontée. Juste au moment où l’on pouvait se rendre compte qu’il était mortel…

08/12/2011 au Normandy Hotel, Paris.
Clément Vérité