En arrivant sur le marché français, l’entreprise a racheté des activités, et dans la « corbeille de la mariée » se trouvait l’usine de Sens. Son avenir était incertain. L’usine était formatée pour produire des princeps ; le passage à la production de médicaments génériques avait multiplié par 10 le nombre de références et la période de transition où se côtoyaient princeps et génériques s’annonçait mal.
Après avoir rencontré la Présidence France, je me suis rendu à Jérusalem pour discuter avec le VP Ressources Industrielles Corporate qui m’a confié l’avenir du site français.
Quand j’ai intégré l’usine, l’outil de fabrication était mis sous demeure par l’Affsaps, la fiabilité était aléatoire (productivité, qualité, taux de retour,…). Mais avant tout, il y avait un vrai problème de management avec des effectifs pléthoriques dans des secteurs dits tertiaires.
L’entreprise est une société allemande extrêmement structurée et rigoureuse, dans un système de production de princeps : tout est très hiérarchisé. La production des médicaments génériques, pilotée par des Israéliens, a une structure beaucoup plus horizontale que verticale ; la collaboration horizontale entre les différents partenaires ne se faisait pas et chacun s’accrochait à ses secrets d’entreprise.
D’un commun accord, j’ai procédé à un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) qui touchait une vingtaine de personnes dans des fonctions très spécifiques, avec des cadres qui possédaient une partie de l’histoire de l’entreprise. Il fallait également renouveler l’effectif du comité de direction. Je me suis entouré de ceux qui incarnaient l’avenir de l’entreprise, avec autant de femmes que d’hommes.
Nous avons remis en conformité les outils techniques. Avec les médicaments génériques, on peut avoir 4 changements de formats dans la journée. Et en passant à une production de 30 à 150 références, il faut de la flexibilité et de la réactivité. Or quand je suis arrivé, les changements de format étaient souvent plus longs que le temps de production lui-même. Il a fallu trouver des astuces techniques pour réduire ces temps de changement de format, raccourcir les séries, mettre en place du « lean management », etc.
Quand on centre les débats sur les personnes et qu’on parle d’un PSE, on doit passer beaucoup de temps à tout expliquer, y compris l’économie de la société pour que chacun intègre bien tous les paramètres. Tout le monde a accès à l’information et si la communication n’est pas maîtrisée, tout sera raconté, déformé, dénué de bon sens. L’écoute a permis d’intégrer les raisons du retournement. Les employés ont finalement compris qu’on ne pouvait plus rester sur les bases d’une activité pérenne et qu’il fallait passer à l’ère du générique, se remettre en cause en permanence.
De plus, il faut s’occuper des personnes qui restent, mais également de ceux qui s’en vont. 90% des personnes concernées par le PSE ont retrouvé un emploi grâce à notre accompagnement ; les 10% restants ont choisi d’arrêter de travailler.
Le bilan était positif. On a redéfini le fonctionnement de l’usine et les comptes sont rapidement repassés dans le vert. Cela montrait donc au siège que cela fonctionnait et il a donc décidé de garder le site.
Une fois que la machine était repartie, on s’est alors attelé à d’autres projets : la réintégration de la Supply Chain, le transfert de la production vers un autre site de production en se recentrant sur l’activité de conditionnement, la validation des dossiers techniques et qualité européens, la définition des articles de conditionnement…Bref, le site a regagné sa crédibilité.
L’industrie pharmaceutique est confrontée au déclin des princeps face aux génériques. La période à venir est une période d’adaptation des entreprises où les deux secteurs vont se rejoindre. Mais même si l’Etat a une grande emprise sur le secteur, cela ne va pas changer facilement la mentalité des personnes.
Les laboratoires pharmaceutiques (GSK, Sanofi, Merck ou Pfizer) conservent généralement leurs composantes commerce, marketing, R&D mais ont tendance à sous-traiter la production et le conditionnement de leurs médicaments à des entreprises comme Famar ou Delpharm, qui ont auparavant racheté les usines de leurs clients. Les coûts fixes sont plus faibles, ce qui redonne une compétitivité à leurs produits. De plus, les entreprises ont tendance à se consolider et se diversifier vers d’autres métiers par le biais de fusions-acquisitions. Sanofi a par exemple racheté Oenobiol et Genzyme, axés sur les compléments alimentaires et la biotechnologie. L’entreprise, leader mondial des médicaments génériques, a de son côté racheté Ivax (2006), Barr Pharmaceuticals (2008), Ratiopharm (2010) et Céphalon (2011).
Le jeu de dominos est en train de se mettre en place.
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